Franck Rousseaux, sculpteur céramiste

L’œuvre de Franck Rousseaux reste présente dans le monde de la céramique Française. Les collectionneurs amateurs de prouesses techniques se souviennent des fines et élégantes Bouteilles Totems de haute taille, transition de l’objet à la sculpture, ou des Tours ou Cylindres Céladon aux douces nuances mises en valeur par de nombreux reliefs.

Né en 1950, Franck Rousseau, bénéficiaire d’une des précieuses bourses de la SEMA, se forme pendant deux années 1976 – 1978. Hors des circuits scolaires et artistiques, il choisit son « maître » Augusto Tozzola, tourneur exigeant sans doute le plus réputé pour son apprentissage intensif, « classique », base du métier de potier. Il se lie d’amitié avec Daniel Sarver au moment où celui-ci transforme son atelier en galerie. Après un arrêt au fameux et unique Symposium de La Borne au cours de l’été 1977, où il rencontre Alain Girel et de nombreux sculpteurs et céramistes de diverses nationalités, Franck rejoint Biot et Vallauris, autre esprit, autre esthétique. Là, il poursuit sa formation parmi des passionnés de couleurs Jacky Coville, Gilbert Portanier et surtout dans l’atelier de Jean-Paul van Lith. Il se rapproche aussi de Jean Derval et de Jean Biagini. Franck aura ainsi été initié à la haute et basse température, aux diverses techniques de sculptures et de décors, à l’art céramique dans diverses expressions.

Prêt à installer son atelier dans le Vexin, un poste d’enseignant d’éducation manuelle et technique lui est proposé alors qu’il vient de fonder une famille. Il ne retrouvera l’atelier à plein temps qu’en 1992.

Franck choisit la haute température, le grès et la porcelaine, non pas à la recherche de la tension d’une ligne « pure » anesthésiée, mais dans la volonté d’inscrire dans l’argile une expression, témoignant d’un geste et d’un mouvement. Des coupes tournées sont sciemment déformées pour rompre la symétrie, l’équilibre visuel et renforcer l’évocation de la danse. Il apporte également la couleur, engobe ou émail, sur presque toutes ses pièces, notamment sur ses sculptures. Ses émaux sont à la fois légers, transparents et profonds, tels les céladons ou physiquement effacés en surface pour retrouver la terre salie de quelques traces et la densité de la couleur uniquement dans les creux. Franck veille à cet accord délicat entre la matière colorée et le modelage, l’un ne devant pas occulter l’autre. En effet, les surfaces de ses créations sont recouvertes de reliefs, de graphismes incisés sur les pièces les plus anciennes, de modelages spontanés et dynamiques, puis de plus en plus figuratifs expressionnistes. Ce décor, répétitif dans la gestuelle, se trouve déjà sur les parois des premiers bols ou vases. Puis, il varie dans ses formes, profondeurs, orientations, tailles. Travail long et méticuleux sur des bouteilles aux silhouettes élancées suggérant forcément un corps, présent ou absent, le relief devient parure, tel un tissu, une nouvelle peau. Une Bouteille Totem Céladon est recouverte de fragments de plis, de lignes définies par le relief dont les orientations différentes rompent la verticalité et la statique. La Bouteille Bleu Tissu est parée d’un bandeau bleu tournant obliquement à partir des épaules, incitant à le suivre pour découvrir l’autre face. Ce (re)vêtement s’arrête horizontalement avant le pied rosé au-dessus duquel il semble flotter. Des empreintes discrètement déroulées en rubans, semblables à de la dentelle, renforcent la verticalité. Le col de cette bouteille évoque le contour d’un visage coiffé de deux éléments décoratifs symétriques dont l’horizontalité parfaite clôt et stabilise le personnage. Sur une première Colonne céladon, les reliefs gravés – par exemple de vagues en série – et morcelés sont collés en surépaisseur sur la paroi entièrement fermée. Puis ce décor s’émancipe et devient l’élément unique de la construction du volume, en un assemblage de fragments indépendants, plus ou moins superposés. Ainsi, certaines Colonnes, souvent sombres, sont constituées d’une grande densité de parties taillées. D’autres au contraire, sont claires et élevées, plus légères à l’œil lorsque le volume n’est pas entièrement fermé. Des espaces vides apportent la lumière et une vision partielle de l’intérieur, d’un au-delà. Les Colonnes et Cylindres sont souvent terminés par une frise, un pastillage plus ou moins régulier de petites plaques ou de disques écrasés. Les vases Quadrangulaires, plus proches d’un biface, offrent deux plages indépendantes pour composer un espace d’écriture et de peinture. S’y retrouvent des morceaux de porcelaine plissée incrustés dans l’argile de Voile au vent. D’autres blocs sculptés sans fond proposent une danse autour du vide. Quadrangulaire Danse Nuage : le volume contraint des personnages de profil à se suivre, en procession, épaules et hanches soudées, visages et pieds découpés ; ils tirent leur force de la matière griffée, aplanie et rapidement blanchie en surface pour mieux faire apparaître le rosé des creux. Nuage : les personnages font face, têtes basses, habits aux rayures noires creusées, orangées en surface. Une fois encore, la composition subtile des formes et des couleurs assemblées ne montre jamais la complexité technique. Les dernières sculptures suggérant ou représentant franchement des humains suscitent une grande émotion. La plupart des visages et des corps traduisent la souffrance, l’absence, l’énigme d’un drame.

Franck Rousseaux réalise des pièces en série, variations sur une même idée, qui permettent des installations. Les Bouteilles, bien loin d’un simple contenant, sont ainsi des déesses, des femmes, des idoles, des totems, qui favorisent une interprétation ouverte sur l’histoire, le rêve ou la poésie. Les titres des sculptures de la série des Quadrangulaires, L’Ange, Nuage ou Danse Nuage incitent également à regarder autrement avec un plaisir toujours renouvelé. À partir de 1996, Franck Rousseaux participe à des salons et aux plus importantes expositions collectives organisées dans les principaux lieux consacré à l’art céramique. Son curriculum montre aussi sa présence régulière dans les galeries les plus reconnues. Ses œuvres entrent dans les collections publiques et privées.

L’artiste s’est éteint en 2010. L’exposition à la galerie Prisme lui rend hommage en Avril 2023 à travers une grande rétrospective de plus de 200 œuvres.

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